David Wojnarovicz
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Au bord du gouffre

20 au 24 avril

Cette exposition, « Au bord du gouffre » se situe dans le contexte de la publication en Fance du livre éponyme au Serpent à plumes (traduction de Laurence Viallet, Directrice de la collection Désordres).
Elle a pour ambition d’introduire le visiteur au monde éclectique de l’artiste, écrivain, peintre, photographe, vidéaste et performeur, à travers des documents visuels (photographies et vidéos) et sonores (monologues, performances, musique).
contexte : Tous les documents présentés sont issus des archives personnelles de Marion Scemama, elle-même photographe et vidéaste. Marion Scemama a vécu à New-York dans les années 80, dans le East Village, quartier de la scène punk et artistique underground. Elle rencontre David Wojnarovicz dans un entrepôt abandonné du West side sur  Hudson River (Pier 34) où David et un autre artiste du East village, Mike Bidlo ont pénétré par effraction et invitent les artistes du quartier à squatter les lieux afin d’en faire un gigantesque atelier de création collective. Pendant l’été 83, à l’ombre de la chaleur poisseuse de New-York, fuyant les appartements petits et confinés du East village, quartier cosmopolite où portoricains, ukrainiens, junkies et artistes fauchés se côtoient, une trentaine d’artiste s’éclate et crée dans l’euphorie : peintures, sculptures, installations, graffitis, pochoirs, utilisant les matériaux trouvés sur place. Lieu de drague et de rencontres homosexuelles anonymes, ce lieu délabré, abandonné aux intempéries est chargé d’un romantisme métaphorique décadent qui les séduit. Le sida n’existe pas encore, ou si peu, ou si loin, l’exaltation est à son comble. Trop vite, la presse à vent de ce lieu, l’ébruite et s’en empare : ainsi commence la gloire éphémère de ces jeunes artistes. Les galeries envahissent le quartier, amènent les collectionneurs et l’argent facile. Peu d’artistes ont survécu à cette période. David Wojnarovicz est l’un d’eux.

C’est dans ces lieux que Marion Scemama et David se rencontrent. Il en naîtra une amitié particulière et chaotique qui durera 9 ans, avec des absences et des retours pendant lesquels ils se soutiendront dans leurs vies respectives à travers de nombreuses collaborations (photos, textes et vidéos).

En 89, David est diagnostiqué séropositif, après tant d’autres déjà mort. New-York n’est plus qu’une ville fantôme où errent les visages cadavériques des survivants. David, après la mort de son ami et mentor Peter Hujar se laisse gagner par la dépression et l’inaction. Marion Scemama, rentrée à Paris en 86 entend parler de lui par des amis communs dont Nan Goldin, grande amie de Peter Hujar qui séjourne chez elle à Paris en 87. Elle n’ose l’appeler, ils se sont quittés en mauvais termes et ne se parlent plus. Pourtant, par le plus grand des hasards, alors que David vient visiter sa sœur à Paris, ils se rencontrent au détour d’une rue. La stupéfaction est grande de part et d’autre, mais en quelques secondes la complicité est retrouvée. Marion pressent sa dépression et décide de retourner à New-York pour l’aider à sortir de son lit et se remettre au travail. A partir de ce moment, le travail de David prend un réel tournant avec une série de peintures dont certaines mêlent photographies et textes et surtout les « Sex Series », clef de voûte de son œuvre, qu’il lui dédie. L’été 89, ils passent l’été dans l’état de New-York et emportent une caméra vidéo ainsi que le manuscrit en ébauche de «  Au bord du gouffre » (Close to the knives). Ainsi débutera leur collaboration vidéo qui se poursuivra l’année suivante lorsqu’il lui demande de revenir à New-York avec une caméra pendant le tournage de Silence = Death, un film de Rosa Von Proheim et Phil Zwickler et qu’ils réaliseront « When I put my hands on your body ».

Après une nouvelle rupture en 90, Marion Scemama retourne à Paris et le silence s’installe à nouveau pendant plus d’un an. Puis, David sentant la maladie s’installer et le ronger, la rappelle et lui propose de faire « son dernier voyage » comme il dit, avec elle et de traverser les déserts américains jusqu’à la vallée de la mort et San Francisco où il doit faire une lecture dans une grande librairie pour la promotion de son livre.

Le voyage sera intense et de nouvelles pièces seront produites au cours de ce voyage dont cette fameuse image où David Wojnarovicz est enseveli sous terre, mise en scène anticipée de sa propre mort. Ce sera leur dernière collaboration. Au retour du voyage, David, déprimé, se concentrera sur son travail, sa maladie et ses amis dont Tom Rauffenbach, son compagnon de longue date.
L’exposition

L’exposition est conçue en deux parties bien distinctes, dispositif possible grâce à la configuration de éof.

Au Rez - de - chaussée : une pièce aux murs blancs accueillera une sélection de photographies et de travaux originaux de l’auteur, vintages et sérigraphies accompagnés d’une sélection de textes écrits par l’artiste. Certains seront imprimés sur voile ainsi que la photographie de David Wojnarovicz enseveli sous terre. Au milieu de la pièce, un espace, ancien monte-charge, aménagé de quelques chaises et à la paroi lépreuse accueillera un grand format d’une installation de l’artiste dans un terrain vague de New-York. Un équipement vidéo diffusera une interview de l’artiste filmé dans son loft par Marion Scemama et réalisé par Sylvère Lotringer, professeur de littérature Française à Columbia University, Directeur de la revue Semiotext(e) et des éditions Foreinagent, C’est cette maison d’édition qui a traduit et introduit aux Etats-Unis les œuvres des philosophes français les plus importants de la deuxième moitié du 20° siècle : Foucault, Deleuze, Guattari, Baudrillard. Sylvère Lotringer était très impliqué dans la vie artistique underground New-Yorkaise des années 70 et 80

Au sous-sol : le sous-sol, aménagé en galerie conserve des murs décatis, idéal pour la deuxième partie de l’exposition qui se présentera sous forme d’installation. Un grand écran permettra la diffusion de vidéos réalisées par les 2 protagonistes. Au mur, des photos, des documents, affiches, notes, croquis, posters, photos d’installations, de peintures, de performances témoignant de ce que furent ces 9 années d’amitié créative mais aussi des images plus intimes, dont celles prises lors des différents voyages et séjours à New-York. On y voit l’artiste dans l’intimité de son loft, on y entend des monologues enregistrés pour Marion Scemama où il parle de son travail, de ses rêves et cauchemars, de sa rage et sa colère devant le traitement que réserve la société américaine, le gouvernement et l’église à tous les marginaux, les différents, les laissés pour compte du rêve américain.